Peut-on vraiment faire revivre une icône sans trahir son esprit ? Chez Renault, on semble en être convaincu. Quarante ans après avoir électrisé les spéciales de rallye, la Renault 5 Turbo revient sous une forme radicalement différente : entièrement électrique, mais plus extrême que jamais. Exit le quatre-cylindres turbo et la mécanique rugueuse des années 80 : place à une double motorisation sur l’essieu arrière, une puissance totale de 533 ch, et un design qui assume pleinement son héritage brutal.
Mais au-delà de l’exercice nostalgique, cette Turbo 3E a une ambition claire : marquer les esprits sur piste, et plus précisément sur la mythique boucle nord du Nürburgring. Renault ne vise pas le record absolu, trusté par les supercars à transmission intégrale, mais bien celui, très spécifique, des voitures électriques à propulsion. Une cible ambitieuse, qui mettra à rude épreuve cette auto conçue en petite série, avec 1 980 exemplaires seulement, mais riche en technologie et en personnalité.
Le public ne s’y trompe pas : plus de la moitié des unités sont déjà pré‑vendues, malgré un tarif oscillant entre 155 000 et 160 000 €. Une démonstration que les sportives françaises, même électriques, ont encore leur mot à dire – surtout lorsqu’elles s’appuient sur un patrimoine aussi emblématique.
Un mythe revisité : du Turbo original à l’électrique ultime
S’il est un nom qui résonne avec force dans la mémoire collective des passionnés, c’est bien celui de la Renault 5 Turbo. Véritable bête de rallye dans les années 80, la compacte française transformée en propulsion musclée a laissé une empreinte indélébile. Aujourd’hui, la Turbo 3E s’en revendique directement, en prolongeant son ADN brutal dans une ère 100 % électrique.
Esthétiquement, la filiation est immédiate. Voie arrière élargie, ailes hypertrophiées, optiques jaunes et silhouette trapue : la 5 Turbo 3E revendique son héritage en l’exagérant, jusqu’à créer un effet visuel spectaculaire. Les proportions sont fidèles, mais les matériaux ont évolué : carrosserie en fibre de carbone, plateforme tubulaire en aluminium, arceau intérieur soudé façon voiture de course.
Avec seulement deux places et un cockpit orienté performance, la Turbo 3E n’a rien d’un concept décoratif. Elle a été conçue pour rouler vite, dans un monde où l’électrique prend le relais du thermique, sans renier le style ni la radicalité.
Performances électriques : 533 ch, 4 800 Nm et une architecture de compétition
Si le design impressionne, la fiche technique de la Renault 5 Turbo 3E frôle la démesure. Elle repose sur deux moteurs électriques installés sur les roues arrière, générant à eux deux 533 chevaux et un couple faramineux de 4 800 Nm. Une valeur bien au-dessus des standards habituels, rendue possible par une démultiplication spécifique propre aux moteurs à haut régime.
200 km sans une goutte d’essence : ce SUV hybride a tous les atouts pour conquérir la France
L’ensemble est alimenté par une batterie de 70 kWh, architecturée en 800 volts, comme les meilleures sportives électriques actuelles. Grâce à ce système, la Turbo 3E est capable d’abattre le 0 à 100 km/h en moins de 3,5 secondes, pour une vitesse de pointe limitée à 270 km/h.
Mais ce monstre d’ingénierie n’est pas exempt de compromis : avec un poids estimé à 1 450 kg, la compacité d’origine a ses limites. Renault compense avec une répartition optimisée des masses, une position de conduite centrale et un centre de gravité abaissé au maximum.
Objectif Nürburgring : battre le record de la propulsion électrique
C’est sur la mythique Nordschleife du Nürburgring que Renault entend juger les capacités réelles de sa nouvelle arme. La marque au losange ne vise pas le record absolu, réservé aux monstres à transmission intégrale comme le Xiaomi SU7 Ultra (7:04,9) ou la Tesla Model S Plaid (7:35,6), mais bien le record pour une voiture électrique à propulsion.
Ce segment reste à conquérir, mais les défis sont immenses. Sur 20,8 km, la batterie sera mise à rude épreuve, avec des pics de puissance et des séquences de freinage ultra intenses. Il faudra aussi que la gestion thermique soit à la hauteur, sous peine de perte de performance après quelques tours.
En misant sur une configuration radicale mais spécifique, Renault prend un pari : démontrer qu’une propulsion électrique bien pensée peut rivaliser en sensations et en efficacité avec les références thermiques et intégrales.
Série limitée, tarifs exclusifs et engouement immédiat
Cette Renault 5 Turbo 3E ne sera produite qu’à 1 980 exemplaires, clin d’œil à l’année de naissance de la Turbo originelle. Mais malgré son tarif élitiste – 155 000 € pour les 500 premiers exemplaires, puis 160 000 €, sans les options – l’accueil a été fulgurant : plus de 1 000 réservations ont déjà été enregistrées, avec un acompte de 50 000 € exigé.
Les livraisons ne débuteront pas avant 2027, avec une production assurée dans les ateliers Alpine, gage de rigueur et d’assemblage haut de gamme. Plusieurs configurations seront proposées, toutes centrées sur la performance, le design rétro-futuriste et une expérience de conduite pure.
Ce projet n’est pas seulement une vitrine technologique : c’est aussi un produit pensé pour les collectionneurs, les passionnés, et ceux qui croient en une autre voie pour la sportive électrique française.
Entre héritage iconique et stratégie EV à la française
Renault, avec cette Turbo 3E, joue une partition inédite. Là où beaucoup de constructeurs misent sur des électriques sages ou aseptisées, le losange revendique son patrimoine sportif pour réenchanter la performance zéro émission. Loin d’un gadget marketing, la Turbo 3E devient le porte-étendard d’une nouvelle génération, capable de marier passion, style et technologie.
Elle préfigure aussi une stratégie plus large, où les modèles iconiques renaîtront sous forme électrique, comme la future Renault 5 E-Tech ou encore la R4L électrique. Mais aucune d’entre elles n’ira aussi loin que cette Turbo 3E dans l’exclusivité et l’émotion.