Longtemps perçue comme en retrait sur le Vieux Continent, Ford signe son grand retour en Europe avec une stratégie résolument tournée vers l’électrique, la production locale et la diversification des silhouettes. Exit la Fiesta, la Focus ou la Mondeo — des noms mythiques, mais devenus des poids morts dans un marché bouleversé. Le constructeur américain rebat les cartes avec une vision renouvelée : des SUV 100 % électriques, des utilitaires modernisés, et un avenir où la berline pourrait à nouveau trouver sa place.
Trois modèles marquent cette relance : la Puma Gen‑E, version électrique du best-seller européen, le E‑Tourneo Courier, pensé pour la vie de famille et les loisirs, et le E‑Transit Courier, fourgonnette électrique agile pour les pros. Produits en Roumanie, équipés de moteurs assemblés en Angleterre et de batteries conditionnées en Allemagne, ces véhicules traduisent une volonté claire de réindustrialisation européenne.
Mais au-delà de ces nouveaux modèles, Ford affirme aussi une ambition plus large : revenir dans le cœur des ménages européens, là où la marque a perdu du terrain. Alors que les SUV règnent sans partage, Ford envisage le retour d’une compacte multi-énergie, prélude à une gamme plus variée, à même de répondre à la complexité des attentes européennes.
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Un virage nécessaire, à l’heure où les normes d’émissions se durcissent, où les constructeurs asiatiques prennent de vitesse les géants traditionnels, et où l’électrification rapide réclame des arbitrages clairs. Ford, souvent à contretemps ces dernières années, semble enfin avoir trouvé le bon tempo.
Une première vague électrique taillée pour l’Europe
Ford déploie une offensive produit à trois têtes pour renforcer sa présence sur le marché européen de l’électrique. Trois modèles font leur entrée en 2025 : le Puma Gen‑E, le E‑Tourneo Courier et le E‑Transit Courier.
Le Puma Gen‑E est sans doute la star de cette vague. Reprenant le design du Puma thermique, ce SUV compact électrique propose une autonomie allant jusqu’à 376 km en cycle WLTP, avec un moteur unique à traction avant et une batterie de nouvelle génération. Il conserve le style acéré et le gabarit urbain qui ont fait le succès de son équivalent thermique, tout en y injectant les codes du véhicule branché.
À ses côtés, le E‑Tourneo Courier s’adresse aux familles et aux loisirs. Ce ludospace 100 % électrique promet 290 km d’autonomie, un espace intérieur généreux, et une modularité idéale pour les escapades du week-end comme pour les usages quotidiens.
Enfin, le E‑Transit Courier cible clairement les professionnels avec 300 km d’autonomie, une capacité de charge utile allant jusqu’à 700 kg, et un volume utile de plus de 2,9 m³. Compact, pratique et zéro émission, il est conçu pour s’imposer comme un outil de travail du quotidien dans les centres urbains restreints.
Une gamme en pleine mutation après l’ère Focus et Fiesta
En parallèle de ces lancements, Ford opère un repositionnement stratégique de son offre. Après avoir tiré un trait sur la Fiesta, la Focus et la Mondeo, la marque prépare une nouvelle génération de modèles plus polyvalents, adaptés à la réalité du marché européen.
Les dirigeants de Ford reconnaissent aujourd’hui que “les clients veulent aussi autre chose que des SUV”. La marque travaille activement à une nouvelle compacte multi-énergie, qui pourrait voir le jour d’ici 2026–2027. Ce modèle inédit, proche d’une berline 5 portes ou d’un petit crossover à mi-chemin entre Focus et Puma, viserait à réconcilier efficience, praticité et prix abordable, sur un segment que la marque ne peut plus ignorer.
Cette volonté de diversification répond à une double exigence : respecter les objectifs européens de CO₂, tout en évitant l’hyper-segmentation exclusivement SUV, déjà saturée. C’est aussi une réponse directe à la montée en puissance de concurrents généralistes comme Renault, Peugeot, mais aussi MG et BYD sur l’entrée de gamme électrique.
Une production recentrée en Europe et électrifiée
Ford mise également sur une réorganisation industrielle à l’échelle européenne, synonyme d’agilité et de souveraineté. Les nouveaux modèles électriques sont produits à Craiova, en Roumanie, via Ford Otosan. L’usine bénéficie d’investissements massifs pour accueillir la production multi-énergie et électrique.
Le constructeur a aussi inauguré en Allemagne, à Cologne, une ligne d’assemblage de batteries dédiée aux modèles électriques européens, dont les Explorer et Capri EV. Ce maillage industriel permet de réduire les délais logistiques, de maîtriser les coûts, et de mieux répondre aux normes européennes en matière d’origine des composants.
En complément, les moteurs électriques sont assemblés à Halewood, au Royaume-Uni, preuve que Ford mise encore sur son ancrage historique dans plusieurs pays européens pour bâtir sa stratégie d’avenir.
Objectif 2030 : rentabilité, diversité, et compétitivité face à la Chine
Derrière cette nouvelle dynamique se cache un objectif clair : atteindre une gamme 100 % électrique d’ici 2030 en Europe, tout en maintenant une marge opérationnelle cible de 10 %. Un défi colossal dans un marché fragmenté, soumis à la pression des normes environnementales, et envahi par une concurrence chinoise toujours plus agressive.
Ford entend s’appuyer sur sa nouvelle division “Model e” pour concevoir des produits plus ciblés, mieux adaptés aux réalités européennes. L’arrivée du Capri EV en haut de gamme, du Puma Gen‑E au centre, et d’un futur modèle compact sur l’entrée de gamme doit former une gamme cohérente.
Pour y parvenir, Ford devra maîtriser ses prix de revient, proposer des financements compétitifs, et réinventer sa relation client. Plus qu’une simple électrification, c’est toute une philosophie de marque qu’il s’agit de reconstruire, avec des produits émotionnels, utiles et adaptés au quotidien.