Les marques américaines profitent encore de la toute-puissance des SUV et pick-up. Mais chez Chevrolet, l’envie de bousculer les codes se transforme en coup d’éclat : la SSR, pour Super Sport Roadster, débarque comme un OVNI roulant. Mélange improbable de pick-up, de cabriolet à toit rigide rétractable et de style rétro inspiré des années 1950, ce modèle tranche radicalement avec tout ce que propose alors General Motors.

Pourtant, malgré ses mécaniques généreuses (V8 de 305 puis 395 ch) et sa fabrication en série limitée, la SSR ne parvient jamais à trouver son public. Trop chère, trop lourde, trop difficile à catégoriser, elle est arrêtée après à peine trois ans de production, laissant derrière elle une image d’échec.
Mais comme souvent dans l’automobile, les échecs deviennent objets de fascination. Vingt ans après son lancement, la Chevrolet SSR renaît dans les discussions entre passionnés comme l’un des derniers grands coups de folie de l’industrie américaine.

Un concept hybride audacieux : roadster + pick-up + style rétro
La Chevrolet SSR n’est pas née d’un cahier des charges classique. Présentée comme concept en 2000, puis produite à partir de 2003, elle mêle plusieurs influences : la ligne des pick-up Chevrolet Advance Design des années 1940-50, une carrosserie en acier galbé, une benne arrière recouverte d’un couvercle rigide, et surtout un toit rigide escamotable électriquement, emprunté à l’univers des cabriolets haut de gamme.
Avec son museau plongeant, ses ailes musclées et ses jantes de 20 pouces, la SSR ne ressemble à rien d’autre. C’est un vrai coup de style, assumé jusqu’au bout. Le positionnement est volontairement atypique : un pick-up deux places, pour cruiser cheveux au vent, avec un look de hot-rod de salon. Une caricature de l’automobile américaine, en somme.

Un V8 pour cruiser (et consommer)
Sous le capot, la SSR embarque d’abord un V8 Vortec 5.3 L de 305 ch, accouplé à une boîte automatique 4 rapports. Dès 2005, elle hérite du LS2 6.0 L issu de la Corvette C6, développant 395 ch (400 ch en boîte manuelle Tremec à 6 rapports). Le 0 à 100 km/h tombe alors à 5,3 secondes, ce qui est impressionnant pour un engin de près de 2 tonnes.
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Mais ces performances ont un prix : consommation moyenne de plus de 14 l/100 km, comportement pataud, tenue de route hasardeuse, et un confort assez ferme. Le châssis, dérivé de celui du Chevrolet Trailblazer, n’est pas taillé pour la sportivité, malgré une transmission aux roues arrière.
En revanche, le système de toit rigide électrique, signé Karmann, impressionne par sa cinématique fluide et son étanchéité. À l’époque, c’est un élément de grande technicité sur un pick-up — et un facteur de différenciation indéniable.

Un échec annoncé : trop de style, pas assez de sens
Malgré sa fiche technique flatteuse et son originalité, la Chevrolet SSR est un bide commercial. Produite entre 2003 et 2006, elle ne s’écoulera qu’à 24 150 exemplaires, bien en dessous des attentes de GM. Pourquoi cet échec ?
D’abord, son prix de base élevé (près de 43 000 $ à l’époque) la positionne mal face à des sportives ou des pick-up classiques plus pratiques. Ensuite, sa benne est inutilisable en dehors de l’esthétique, l’espace intérieur est réduit, et la SSR n’entre dans aucune case claire : ni sportive, ni utilitaire, ni cabriolet familial.
Enfin, le contexte joue contre elle : dès 2005, les ventes de véhicules excentriques se tassent, et la crise économique naissante rend les acheteurs frileux. Chevrolet coupe court, et le modèle disparaît dans l’anonymat relatif.

Un objet de culte pour passionnés éclairés
Aujourd’hui, la SSR est recherchée pour ce qu’elle est devenue : un symbole d’audace, une auto que personne n’a osé copier. Sur le marché de l’occasion, elle s’échange entre 35 000 et 55 000 € selon le kilométrage et l’état, souvent importée depuis les États-Unis.
En France, elle est rarissime, mais elle existe. Certains exemplaires sont visibles lors de rassemblements américains, où elle attire immédiatement le regard. Son design caricatural, son V8 rugueux et son toit cabriolet rétractable lui confèrent une personnalité à part. En collection, elle a trouvé son public : celui qui préfère l’excès assumé à la rationalité grise.



