À l’origine de cette secousse à venir, une décision politique majeure : la Commission européenne prévoit de relever significativement les droits de douane sur l’acier et l’aluminium importés, principalement en provenance d’Asie. Le taux, actuellement de 25 %, pourrait grimper jusqu’à 50 % dès 2026. Une mesure clairement assumée comme protectionniste, dans le but de défendre l’industrie sidérurgique européenne, fragilisée par la concurrence chinoise et indienne.
L’Union européenne justifie ce choix par la nécessité de préserver sa capacité industrielle stratégique, notamment dans le contexte de la transition énergétique. Mais les effets collatéraux sur le secteur automobile risquent d’être considérables. L’acier est en effet l’un des matériaux les plus utilisés dans la fabrication d’un véhicule, aussi bien pour la structure que pour de nombreuses pièces mécaniques.
Avec une facture matière première potentiellement doublée, les constructeurs automobiles verront leurs coûts de production mécaniquement augmenter, surtout pour les modèles qui reposent sur des approvisionnements extra-européens. Une dynamique qui pourrait, à terme, se traduire par une augmentation visible du prix catalogue des véhicules neufs en Europe.
Une menace directe sur les prix des voitures neuves
La hausse des prix de l’acier ne se fera pas attendre. Même si l’application officielle est prévue pour 2026, les constructeurs anticipent déjà cette échéance, et certains analystes estiment que les premiers effets pourraient être visibles dès la fin 2025. Pourquoi ? Parce que les chaînes logistiques s’ajustent en amont, que les contrats fournisseurs se renégocient souvent plusieurs trimestres à l’avance, et que les volumes doivent être planifiés longtemps avant la mise en production.
Pour les voitures d’entrée ou de milieu de gamme, dont les marges sont déjà très réduites, les hausses de coût seront particulièrement sensibles. Le risque est donc double : soit une hausse du prix final pour l’acheteur, soit une dégradation de la dotation (finition, équipements), afin de préserver un prix d’appel attractif. Dans les deux cas, le consommateur est perdant.
Les marques utilisant massivement des matériaux ou des composants issus d’Asie, ou assemblant partiellement en Europe à partir d’éléments importés, seront en première ligne. Même les véhicules dits “européens” pourraient être impactés si leurs chaînes d’approvisionnement reposent sur de l’acier hors UE. En clair, le choc tarifaire pourrait rapidement se diffuser à l’ensemble du marché.
Calendrier de mise en place et stratégies des constructeurs
Selon les informations disponibles, la réforme douanière européenne entrera en vigueur en janvier 2026. Mais comme souvent en matière industrielle, les anticipations débuteront bien avant. Certains constructeurs pourraient chercher à constituer des stocks d’acier avant l’échéance, ou à négocier des accords de fourniture plus favorables avec des sidérurgistes européens. D’autres pourraient envisager des ajustements industriels, voire une relocalisation partielle de la production dans l’Union.
Cependant, ces adaptations ont un coût, et nécessitent du temps. Tous les acteurs ne seront pas en mesure d’y faire face avec la même agilité. Les constructeurs premium, disposant de marges plus importantes, pourraient absorber temporairement la hausse. Mais les marques généralistes, et en particulier les modèles les plus abordables, auront beaucoup plus de difficultés à compenser l’augmentation du prix des matières premières.
Pour l’acheteur, cette situation crée une fenêtre d’opportunité : acheter un véhicule neuf avant la hausse, c’est potentiellement éviter plusieurs milliers d’euros de surcoût. Mais encore faut-il que l’information circule, et que les décisions d’achat puissent suivre un calendrier si précis.
Le marché français face à ce nouveau choc tarifaire
Le marché français n’est pas dans sa meilleure forme. Déjà frappé par un malus CO₂ sévère (jusqu’à 60 000 €), une taxe au poids, des aides à l’achat de plus en plus restrictives, et un pouvoir d’achat en berne, il pourrait voir cette nouvelle hausse des coûts comme la goutte de trop. Le prix moyen d’une voiture neuve en France a déjà dépassé les 30 000 € en 2023, et toute hausse supplémentaire risque de détourner encore davantage les acheteurs vers le marché de l’occasion.
Les constructeurs devront donc faire des choix. Réduire les niveaux de finition ? Proposer des modèles “dégradés” pour rester sous certains seuils psychologiques de prix ? Limiter les offres de financement trop avantageuses ? Dans tous les cas, le consommateur final pourrait se retrouver avec une offre moins attractive, pour un budget équivalent.
Enfin, la fiscalité française étant cumulative, cette hausse des droits d’importation pourrait venir s’ajouter à une fiscalité nationale déjà très lourde. En clair, ce ne sont pas seulement les véhicules haut de gamme qui seront touchés, mais aussi les voitures dites “accessibles”, pourtant vitales pour le renouvellement du parc et la transition vers des motorisations moins polluantes.
Une opportunité involontaire pour l’électrique et la production locale ?
Dans ce paysage assombri, certains y verront peut-être une opportunité indirecte. Les constructeurs européens qui produisent localement, avec de l’acier issu de l’UE, pourraient devenir plus compétitifs à court terme. Ce serait aussi une façon de relancer la sidérurgie européenne, et de rapprocher les chaînes de production des lieux de vente — une ambition déjà présente dans les discours politiques.
Par ailleurs, les voitures électriques, souvent dotées de structures en aluminium ou en matériaux composites, pourraient être moins exposées à cette hausse tarifaire, à condition de ne pas dépendre elles aussi de matériaux importés. Cela pourrait accélérer le basculement vers l’électrification, mais aussi favoriser les modèles produits dans l’UE, comme la Renault Mégane E-Tech, la Fiat 600e ou la future Citroën ë-C3.
Mais attention à ne pas surinterpréter : la mutation industrielle ne se fera pas du jour au lendemain, et l’impact sur les prix pourrait frapper plus vite que les adaptations industrielles ne seront mises en place. D’ici là, les acheteurs devront naviguer à vue, entre incertitudes fiscales, hausses de tarifs, et arbitrages techniques complexes