Chez Ferrari, l’innovation technologique a toujours accompagné la passion mécanique. Mais jamais le constructeur de Maranello n’avait franchi un cap aussi symbolique. Avec l’Elettrica, prévue pour 2026, la marque entre pour la première fois dans l’ère 100 % électrique. Un bouleversement d’autant plus stratégique qu’il s’agit d’un modèle à quatre portes, destiné à élargir la clientèle sans renier le tempérament maison.
La Ferrari Elettrica n’arrive pas par hasard. La pression réglementaire européenne, les limites d’émissions, l’évolution des marchés… tout convergeait vers cette décision. Ferrari aurait pu céder à l’électrification douce ou hybride rechargeable, comme avec la SF90. Elle choisit ici la rupture franche, mais soigneusement calibrée pour ne pas perdre l’ADN qui fait son prestige.
Ce modèle représente plus qu’un tournant : c’est un manifeste. Un exercice de style, certes, mais surtout un laboratoire roulant qui servira de base à d’autres futures Ferrari électriques. À commencer par les prochaines GT ou même SUV électriques à venir d’ici la fin de la décennie.
Architecture et motorisation : puissance et innovations
Sous sa robe encore partiellement camouflée, la Ferrari Elettrica cache une fiche technique d’un autre monde. L’architecture repose sur deux moteurs électriques, un sur chaque essieu, pour une transmission intégrale permanente et un vecteur de couple dynamique. Résultat : une puissance cumulée annoncée de plus de 1 100 chevaux. Et surtout, un couple instantané de 8 000 Nm, chiffre spectaculaire rendu possible par l’électrification et la démultiplication.
Le cœur énergétique du système repose sur une batterie de 122 kWh, fonctionnant sous une tension de 800 volts. Cela permet non seulement une autonomie confortable (non encore annoncée), mais surtout une recharge ultra-rapide jusqu’à 350 kW. De quoi récupérer environ 80 % d’énergie en une vingtaine de minutes sur borne compatible.
Ferrari annonce plusieurs modes de conduite, accessibles via un E-Manettino spécifique, dérivé du fameux sélecteur mécanique installé sur ses modèles thermiques. Au programme : gestion de la motricité, du freinage régénératif, de la sonorité artificielle, mais aussi du niveau d’implication du conducteur.
Performances officielles et caractéristiques dynamiques
Bien que Ferrari n’ait pas encore communiqué de chiffres précis sur les accélérations, les estimations sont sans ambiguïté : le 0 à 100 km/h devrait être abattu en moins de 2,5 secondes, avec une vitesse de pointe supérieure à 300 km/h. L’Elettrica sera sans doute la Ferrari la plus rapide jamais produite en ligne droite.
Mais la marque insiste : il ne s’agit pas uniquement d’aller vite. Le châssis intègre les technologies les plus poussées du groupe : direction active sur les quatre roues, suspension pilotée adaptative, répartition du poids 47/53, et un système de freinage carbone-céramique de dernière génération.
Le poids reste évidemment conséquent, estimé à environ 2 300 kg, mais Ferrari promet une gestion dynamique permettant d’annihiler l’inertie grâce au travail sur le centre de gravité et au contrôle de couple vectoriel. L’objectif : préserver la magie Ferrari, même sans moteur V8 ou V12.
L’expérience utilisateur : son, conduite, polyvalence
L’un des défis les plus sensibles concerne la sonorité. Ferrari a longtemps été reconnue pour le chant de ses mécaniques. Ici, pas question de laisser le silence régner. Le constructeur annonce avoir développé un système d’amplification artificielle, qui utilise les ondes mécaniques de la transmission et les module via un canal sonore spécifique, avec des haut-parleurs situés à l’arrière. L’objectif : offrir une identité sonore propre à Ferrari, non copiée sur les sons futuristes habituels.
L’Elettrica se distinguera aussi par son format : 4 portes, 4 places, mais sans tomber dans le gabarit SUV. Elle s’inscrit plutôt dans l’esprit GT modernisée, capable de transporter confortablement deux adultes et deux enfants, avec un niveau de finition et de raffinement attendu à ce niveau de gamme.
C’est aussi une Ferrari pensée pour être utilisée au quotidien, avec une interface numérique repensée, des assistances de conduite dernier cri, et une compatibilité avec les bornes de recharge haute puissance déjà présentes sur le réseau Ionity ou Tesla (via adaptateur).
Défis pour le marché français et positionnement tarifaire
En France, le lancement de la Ferrari Elettrica pose plusieurs enjeux. Le prix estimé à environ 500 000 € la place immédiatement dans une sphère élitiste, inaccessible à 99 % des conducteurs. À cela s’ajoute une fiscalité floue pour les supercars électriques, qui échappent au malus CO₂ mais restent fortement taxées sur la carte grise et les assurances.
Le public visé est donc clairement celui des collectionneurs, amateurs de GT hautes performances, ou clients fidèles de la marque. Mais au-delà de la clientèle, l’enjeu sera surtout émotionnel : convaincre que Ferrari peut rester Ferrari sans combustion.
Il faudra du temps pour le faire admettre, mais si une marque est capable de réussir ce virage sans perdre son âme, c’est bien celle qui a toujours mis la technologie au service du plaisir. L’Elettrica ne sera peut-être pas la plus chantante des Ferrari, mais elle pourrait bien être l’une des plus stratégiques de son histoire