Il y a des véhicules qui, malgré leur gabarit contenu, pèsent lourd dans l’histoire automobile. Le Mazda MX‑5, roadster emblématique né en 1989, et le Toyota GR86, digne héritier du plaisir de conduite façon “light is right”, font partie de ces irréductibles sportifs qui résistent encore à l’électrification à marche forcée. Alors que l’un fête bientôt ses quarante ans et que l’autre revient à peine sur le marché, une collaboration inattendue pourrait sceller leur avenir commun.
Selon les dernières révélations, Mazda pourrait produire la prochaine génération du MX‑5 ND sur la même ligne d’assemblage que le Toyota GR86, à Hiroshima. Une décision stratégique qui ne se limiterait pas à l’outil industriel : les deux modèles pourraient aussi partager leur plateforme technique, tout en conservant des motorisations et des identités différenciées. Une manière d’optimiser les coûts tout en respectant la philosophie propre à chaque constructeur — Mazda et Toyota ayant à cœur de proposer une expérience de conduite authentique, à l’ancienne.
Mais derrière cette synergie industrielle se cachent de vraies interrogations. Peut-on réellement mutualiser les dessous d’un roadster propulsion et d’un coupé boxer sans sacrifier l’âme de l’un des deux ? Et surtout, comment cette stratégie s’inscrit-elle dans un contexte réglementaire européen de plus en plus contraint pour les moteurs thermiques ? Si l’alliance Mazda-Toyota intrigue, elle pourrait aussi devenir la clé de survie d’une espèce en voie de disparition : celle des petits coupés plaisir à propulsion.
Architecture partagée, moteurs distincts : les choix techniques envisagés
Selon les premières informations, les deux modèles conserveraient leur caractère spécifique, malgré une base technique commune. Mazda chercherait à conserver un quatre cylindres atmosphérique longitudinal de 2,0 litres, potentiellement assisté par une hybridation légère (MHEV) pour répondre aux normes européennes. Toyota, fidèle à son architecture boxer Subaru, poursuivrait avec son 2,4 litres à plat, en y ajoutant une hybridation parallèle plus classique (HEV).
Ce partage de plateforme n’implique pas une uniformisation mécanique. Chaque marque conserverait ses réglages châssis, sa direction, ses suspensions et son calibrage moteur, afin de préserver une personnalité de conduite propre. En revanche, des éléments structurels comme le plancher, les points d’ancrage ou encore l’électronique embarquée pourraient être mutualisés pour réduire les coûts.
Il reste toutefois une inconnue majeure : le poids final des véhicules. Le Mazda MX‑5 ND actuel est salué pour sa légèreté exemplaire (environ 1 050 kg), un critère fondamental pour son agilité. L’introduction d’une plateforme plus robuste et d’une électrification partielle pourrait remettre en cause ce rapport poids/plaisir. Une gageure que les ingénieurs devront relever pour rester fidèles à l’ADN originel.
Production et héritage : Hiroshima comme berceau des deux modèles
Ce n’est pas la première fois que Mazda ouvre son outil industriel à un modèle extérieur. Entre 2016 et 2019, l’usine d’Hiroshima avait déjà produit le Fiat 124 Spider, clone technique du MX‑5 ND, avec quelques modifications esthétiques et mécaniques. Cette expérience réussie, bien que brève, a probablement convaincu Toyota de la pertinence d’une telle coopération.
L’idée de produire à Hiroshima un coupé arborant le logo GR86 peut paraître symboliquement forte, mais elle s’inscrit dans une logique pragmatique. Mazda dispose déjà des infrastructures adaptées pour l’assemblage de véhicules propulsion compacts à châssis léger. Le site est par ailleurs reconnu pour son savoir-faire dans la fabrication de modèles à faible volume, un atout dans le cadre d’une stratégie de niche.
Reste à voir comment cette production sera répartie pour l’Europe. Actuellement, la GR86 est importée au compte-gouttes en raison des normes Euro 6e, et sa carrière commerciale sur le Vieux Continent est compromise. Quant au MX‑5, il poursuit une carrière discrète mais régulière. Une plateforme commune pourrait faciliter les adaptations réglementaires, notamment sur les émissions, à condition que l’hybridation soit au rendez-vous.
Enjeux pour l’Europe : homologation, électrification, positionnement tarifaire
Pour subsister en Europe, les coupés thermiques légers doivent se réinventer. Le MX‑5 comme le GR86 sont menacés par les quotas de CO₂, les malus écologiques (jusqu’à 60 000 € en France) et les normes Euro 7 en gestation. L’introduction d’un système d’hybridation légère ou complète n’est plus une option mais une nécessité.
Mazda travaille déjà sur des blocs électrifiés compacts, comme en témoigne la nouvelle Mazda2 Hybrid ou le CX‑30 MHEV. Toyota, maître de l’hybridation, pourrait intégrer son expertise dans cette nouvelle génération de GR86. Le but ? Rester sous les radars des taxes, tout en conservant une architecture propulsion, un poids contenu, et un agrément de conduite digne de leurs aînés.
Le positionnement tarifaire reste lui aussi déterminant. Aujourd’hui, le Mazda MX‑5 démarre à 30 350 € en France (version 1.5L Elegance), tandis que le GR86 s’affichait à 34 000 € environ, mais n’est plus disponible à la commande neuve. Si une version électrifiée des deux modèles voyait le jour, leur prix pourrait grimper autour de 35 à 40 000 €, les plaçant face à une concurrence restreinte mais réelle (Abarth 124 d’occasion, Alpine A110 d’entrée de gamme, voire MG Cyberster à venir).