Longtemps perçu comme un pionnier de l’électrification grâce à l’hybride, Toyota s’est montré plus réservé dans l’adoption massive du 100 % électrique. Pourtant, lors de plusieurs annonces récentes, le géant japonais a clairement affiché ses ambitions de revenir au premier plan, notamment à travers le développement de nouvelles batteries haute performance.
Le constructeur avait notamment fait sensation en promettant, pour les prochaines années, des batteries lithium-ion capables d’offrir une autonomie supérieure à 1 000 kilomètres, un seuil psychologique et technique que peu de marques osent évoquer. Cette déclaration s’inscrivait dans une stratégie globale visant à rattraper son retard sur le marché du VE, tout en conservant sa logique de diversification énergétique, avec l’hybride, l’hydrogène et l’électrique en parallèle.
Toyota semblait prêt à jouer un rôle clé dans la prochaine génération de véhicules électriques, avec des annonces précises et un ton volontaire. Mais entre ambitions et exécution, la route s’annonce plus sinueuse que prévu.
Calendrier initial et technologies de batteries prévues
Lors de son plan stratégique dévoilé fin 2023, Toyota avait détaillé un calendrier ambitieux, structuré autour de plusieurs étapes technologiques. Dès 2026, la marque prévoyait d’introduire une nouvelle génération de batteries lithium-ion offrant plus de 800 kilomètres d’autonomie, avant de franchir le cap symbolique des 1 000 kilomètres avec des batteries de nouvelle conception.
121 km sans une goutte d’essence : ce SUV français a tout d’un premium sauf le badge
Ce plan s’appuyait également sur le développement de batteries bipolaires, censées offrir une densité énergétique supérieure et un coût réduit, tout en améliorant la durabilité. Mais c’est surtout l’arrivée annoncée des batteries à l’état solide à partir de 2027-2028 qui avait fait le plus de bruit : cette technologie, souvent considérée comme le “graal” du stockage énergétique, promet des temps de recharge très courts, une autonomie record et une sécurité accrue.
Toyota paraissait donc avoir toutes les cartes en main pour bousculer la hiérarchie actuelle du véhicule électrique. Cependant, la concrétisation de ces annonces dépend étroitement de l’industrialisation effective de ces nouvelles batteries – un processus aujourd’hui mis en pause.
Retard dans la construction de l’usine de batteries à état solide
C’est un projet stratégique qui prend soudainement du plomb dans l’aile. Toyota avait acquis un terrain de 280 000 m² à Fukuoka, au sud du Japon, destiné à accueillir sa première usine de production de batteries à l’état solide. Ce site devait symboliser le passage de la promesse à la réalité industrielle, en assurant une production à grande échelle dès la seconde moitié de la décennie.
Mais selon les informations relayées par le média asiatique Nikkei, le projet est actuellement suspendu. Aucun début de construction n’a été observé sur le site, et aucune date de relance des travaux n’a été annoncée. Un coup dur pour le calendrier initial de Toyota, qui misait sur cette infrastructure pour garder son avance technologique sur ce type de batteries.
Les causes de ce retard seraient multiples : d’un côté, une demande de véhicules électriques inférieure aux attentes dans certains marchés ; de l’autre, des coûts de production très élevés, notamment sur la technologie encore émergente des batteries solides. Des éléments qui poussent Toyota à la prudence, quitte à prendre du retard dans la course mondiale à l’électrification.
Conséquences potentielles sur la position de Toyota sur le marché des véhicules électriques
Cette pause dans le projet soulève des questions stratégiques majeures pour Toyota. Alors que les concurrents — notamment chinois comme BYD — accélèrent leur montée en puissance avec des offres toujours plus compétitives, le géant japonais risque de perdre du terrain, non seulement en innovation, mais aussi en parts de marché.
Face à un environnement en pleine mutation, la stratégie multi-énergies de Toyota pourrait s’avérer être une arme à double tranchant. Si elle permet de répondre à différents marchés et besoins, elle pourrait aussi diluer les investissements et ralentir l’émergence d’une gamme 100 % électrique forte, à l’heure où les leaders du segment affûtent leurs armes.
Pour Toyota, le défi est désormais clair : il faudra transformer l’excellence technologique en réalité industrielle, et ce, dans un contexte économique tendu et une concurrence mondiale impitoyable. Le pari des batteries à plus de 1 000 kilomètres d’autonomie n’est pas abandonné, mais le virage s’annonce plus long et plus délicat que prévu.