Lancé en fanfare sur le marché français en 2023, le BYD Tang devait incarner la montée en gamme du géant chinois dans le segment des SUV familiaux premium. Généreux sur la fiche technique, flatteur en équipement, puissant sous le capot… mais surtout proposé à partir de 70 800 € TTC, le Tang n’a pourtant jamais réussi à s’imposer en concessions. Une impasse commerciale ? Un symptôme plus profond ? Une chose est sûre : BYD découvre que le marché européen ne se conquiert pas uniquement avec des batteries performantes et des prix cassés.
Une stratégie produit ambitieuse… mais parfois déconnectée
Depuis son arrivée en France, BYD a cherché à se positionner sur tous les segments à la fois : compact (Dolphin), SUV urbain (Atto 3), berline familiale (Seal), break électrique (Seal U), et même SUV 7 places de luxe avec le Tang. Cette offensive tous azimuts a permis de poser les bases d’un réseau encore modeste, mais elle a aussi révélé des erreurs de ciblage.
Le Tang, en particulier, cristallise ces limites : avec une puissance cumulée de 517 ch, une transmission intégrale, une batterie LFP Blade de 108,8 kWh, et jusqu’à 530 km d’autonomie WLTP, il s’adresse clairement à une clientèle haut de gamme. Mais cette clientèle, en France, n’identifie pas encore BYD comme une marque statutaire. Le Tang se retrouve alors dans une impasse : trop cher pour les acheteurs rationnels, pas assez prestigieux pour séduire les clients premium.
Des ventes marginales malgré des produits crédibles
Sur l’année 2023, moins de 600 BYD ont été immatriculées en France — tous modèles confondus. Et le Tang représente une part négligeable de ces volumes, concurrencé par les Seal U, Atto 3 ou Dolphin, bien plus abordables. À plus de 72 000 € une fois configuré, le Tang subit également le malus au poids, et n’est éligible à aucun bonus écologique — ce qui plombe son attractivité financière face à une Tesla Model Y Grande Autonomie, ou même un Kia EV9.
C’est là le paradoxe : le Tang a les arguments techniques pour exister, mais n’est pas perçu comme légitime dans son segment. Pire : sa consommation réelle, aux alentours de 23 à 25 kWh/100 km, en fait un modèle énergivore. En somme, le Tang est plus une vitrine technologique qu’un produit pensé pour le terrain.
Le poste de conduite propose un écran central rotatif de 12,8″, une instrumentation numérique et une finition cuir sérieuse, sans atteindre le standing des SUV allemands. ©BYD
BYD en France : succès partiels et apprentissage stratégique
À l’inverse, des modèles comme la Dolphin (29 990 €) ou la Seal (berline 100 % électrique, 570 km d’autonomie) affichent déjà des scores commerciaux plus solides, portés par un meilleur rapport prix-prestations et une fiscalité plus clémente. Le réseau BYD en France (une trentaine de concessions fin 2024) continue à se développer, mais reste limité face aux géants bien implantés. Le Service Après-Vente, la reconnaissance de marque et la valeur résiduelle sont encore des freins majeurs.
Le Tang, dans ce contexte, devient un exemple emblématique : l’ambition industrielle de BYD est bien réelle, mais la compréhension fine du marché français reste à construire.
Une image encore à crédibiliser
En Europe, la montée en gamme ne passe pas uniquement par la technologie. Elle exige une légitimité, un réseau dense, un capital confiance bâti sur plusieurs années. BYD, malgré ses capacités industrielles hors normes, n’échappe pas à cette règle. Le Tang, en tant que produit isolé, arrive trop tôt, trop haut, trop seul. Il illustre le fossé entre un savoir-faire technique et une stratégie marketing encore perfectible.
Un avenir à recalibrer
L’échec commercial du Tang en France ne remet pas en cause la dynamique de BYD dans son ensemble. Mais il appelle à une relecture lucide de ses priorités : renforcer les modèles cœur de gamme, étoffer le réseau, adapter le produit à la fiscalité et aux attentes locales. La démonstration technologique ne suffit pas : en France, la conquête passe aussi par la justesse du positionnement.