L’année dernière, le gouvernement allemand a pris la décision inattendue de supprimer plus tôt que prévu les subventions à l’achat de voitures électriques. Cette décision a été argumentée en raison de son coût élevé pour le budget fédéral, mais elle a eu des conséquences bien plus graves, avec l’effondrement des ventes et de la compétitivité des groupes locaux. Certaines marques ont tenté de compenser par de fortes remises, mais cela n’a pas empêché l’effondrement des ventes.
Le marché allemand est entré dans une crise qui n’épargne pas les moteurs à combustion. C’est le résultat de la réduction d’une transformation inévitable, dans des mesures qui ont conduit à une chute de 70% des ventes de voitures électriques en août, à peine compensée par la petite augmentation de 8,7%.
Les ventes globales en Allemagne, toutes technologies confondues, ont ainsi baissé de 7 % par rapport à l’année précédente.
Les offres à prix cassés ne permettent pas de récupérer les ventes
Le problème est que, dès le départ, les marques ont mis sur la table leurs propres rabais qui non seulement correspondaient aux subventions publiques, mais dans certains cas les dépassaient, voire les dépassaient largement.
Rappelons que jusqu’en décembre 2023, les Allemands disposaient d’ une subvention de 4 500 euros pour l’achat d’une voiture électrique. Sur ce chiffre, les marques mettaient 1 500 euros, et le reste était fourni par l’État.
Mais une fois les subventions supprimées, les constructeurs ont dû agir pour éviter un effondrement total des ventes. Ainsi, des marques comme Hyundai ont mis en place des campagnes de réduction allant jusqu’à 7 000 euros pour les Ioniq 5, Hyundai Kona et Hyundai Ioniq 6.
Peugeot a lancé une campagne pour les E-208, E-2008, E-308 et E-308 SW, ce qui signifie une remise directe de 3 570 euros, un chiffre très similaire à celui offert par Smart, qui dans ses versions Brabus et Pulse, les plus équipées, offre des remises allant jusqu’à 5 000 euros.
Subaru a dû lancer de grandes campagnes face à la quasi-absence d’activité commerciale pour ses véhicules électriques. Il offre actuellement une remise de 7 500 euros pour la Solterra, qui s’ajoute aux 8 500 euros que Subaru a réduit plus tôt cette année. Cela signifie que la variante la moins chère est désormais disponible à partir de 42 490 euros au lieu de 58 490 euros, soit 16 000 euros de moins qu’auparavant.
Résultat : une part de marché inférieure à 0,1 %, avec seulement 110 unités enregistrées au cours des neuf premiers mois de l’année sur ce qui est de facto le plus grand marché de voitures électriques en Europe.
Tesla a également lancé des campagnes pour réduire l’impact de la baisse de la demande en Allemagne. Les Américains y ont lancé des rabais allant jusqu’à 6 000 euros pour les Model Y en stock, dont le prix est actuellement le plus bas depuis sa mise en vente, à partir de 38 990 euros avec le rabais.
De quoi conforter la première place du crossover américain, qui mène d’une main de fer les ventes de voitures électriques en Allemagne, loin devant ses rivaux locaux.
Pour tenter de combler l’écart, Volkswagen a lancé une série d’offres et de baisses de prix sans précédent. La famille ID est actuellement vendue à 3 570 euros, ce qui, espèrent-ils, leur permettra de récupérer une partie des pertes du premier semestre et de conserver leur première place dans les ventes de la marque.
Mais c’est sans conteste une marque chinoise qui remporte la palme. ORA. Propriété du Great Wall Group, la GWM Ora 03 est devenue l’exemple qu’il ne suffit pas d’introduire une voiture différente en Europe. Il faut qu’elle soit compétitive et que son prix soit attractif. Ce que la 03 n’a pas réussi à faire.
Jusqu’à présent, les ventes ont été totalement résiduelles, 1 400 unités entre janvier et septembre et 0,5 % de part de marché, ce qui a conduit le groupe à lancer une campagne de rabais agressive qui réduit le prix de 12 000 euros. Ainsi, le prix de départ de la GWM Ora 03 d’entrée de gamme, avec 126 kW (171 ch), une batterie de 48 kWh et 310 km d’autonomie WLTP, est passé à 26 990 euros.
Les ventes n’augmentent pas
Comme nous l’avons vu, les campagnes agressives n’ont pas réussi à atténuer le ralentissement des ventes, qui s’est traduit par l’immatriculation de 276 000 unités en Allemagne au cours des neuf premiers mois de l’année, contre 387 000 l’année dernière à la même période, soit une baisse de 28,6 %.
Cela signifie que, sans les rabais, la baisse aurait été encore plus importante et que la perte de plus de 110 000 voitures immatriculées aurait été dépassée. Cela a plusieurs conséquences, comme la perte de confiance des consommateurs, très exposés aux canulars et aux manipulations dans les médias et les réseaux sociaux, qui ont vendu ce retour en arrière comme un échec de la technologie.
Il s’agit également d’une lourde perte pour l’État, qui a affecté 2,3 milliards d’euros d’aides publiques à l’achat de voitures électriques en 2023, et qui a stimulé le marché avec 523 000 voitures électriques immatriculées cette année-là.
Cela signifie qu’en 2024, avec 28,6 % de ventes en moins, et en tenant compte d’un coût moyen de 45 000 euros et d’un taux de TVA de 19 %, l‘Allemagne a cessé de percevoir environ 940 millions d’euros entre janvier et septembre, rien qu’en comptant cette taxe, sans compter celles générées par ces ventes, telles que l’achat de chargeurs domestiques.
Cet effet s’ajoute à d’autres effets à plus long terme, tels que la perte de compétitivité susmentionnée des groupes allemands, la perte de confiance des consommateurs, ainsi que des difficultés accrues à atteindre ses propres objectifs en matière de réduction des émissions et de la dépendance énergétique extérieure.