L’Union européenne vient de valider un changement stratégique dans l’attribution des subventions aux voitures électriques. Loin d’être anecdotique, ce tournant repose sur un nouveau critère environnemental : l’empreinte carbone du cycle de vie complet du véhicule. Autrement dit, un véhicule sera jugé non plus seulement sur ce qu’il émet à l’échappement (zéro pour un VE), mais aussi sur ce qu’il coûte réellement à la planète, depuis l’extraction des matériaux jusqu’au recyclage final.
Officiellement, aucun pays ni aucune marque n’est nommément ciblé. Mais dans les faits, cette méthode va exclure des dizaines de modèles issus de la production chinoise, qui souffrent d’un mix énergétique carboné, d’un transport long-courrier et d’une chaîne logistique peu vertueuse. Cette réforme permet donc à l’Europe de se protéger sans déclencher directement une guerre commerciale, en restant dans le cadre des accords de l’OMC.
Ce mécanisme suit les pas de la France, qui a déjà intégré ce système dans son propre bonus écologique 2024. Le gouvernement y applique une note environnementale sur 100 points, dont 70 % sont liés au cycle de vie du véhicule. Seuls les modèles dépassant un seuil prédéfini accèdent au bonus pouvant aller jusqu’à 7 000 €. Résultat : des véhicules populaires comme la Dacia Spring ou la MG4 sont désormais exclus du bonus, ce qui rend leur tarif nettement moins compétitif en France.
L’empreinte carbone, un filtre technique… mais politique
Sous son apparence scientifique, la notion de cycle de vie est devenue un levier politique redoutablement efficace. Elle permet de distinguer entre véhicules produits localement, souvent dans des usines européennes respectant des normes strictes, et ceux issus de pays tiers à forte intensité carbone, comme la Chine ou certains pays d’Asie du Sud-Est. Même si la voiture elle-même est performante, son bilan environnemental global peut la disqualifier.
Le cas du MG ZS EV est emblématique. Ce SUV électrique à prix attractif, fabriqué en Chine, a perdu son accès aux aides françaises. En Espagne, où le Plan MOVES est en cours de révision, la situation pourrait basculer également, avec un nouveau système d’évaluation environnementale annoncé. Si l’on suit l’exemple français, plusieurs modèles très vendus pourraient se voir privés d’aides, réduisant mécaniquement leur présence sur le marché.
Cette orientation est soutenue par des ONG comme Transport & Environment, qui plaident depuis longtemps pour une lecture plus rigoureuse des émissions cachées des VE. Elles saluent une réforme qui met fin à l’illusion d’un « zéro émission » déconnecté de la réalité industrielle. Reste que cette démarche exige des outils de calcul homogènes, fiables, et acceptés par tous les États membres, ce qui reste un chantier complexe.
Une menace pour les constructeurs délocalisés
Les premières victimes de cette évolution ne sont pas uniquement les constructeurs chinois. De nombreuses marques européennes produisent tout ou partie de leurs modèles électriques en Chine, en Turquie ou dans d’autres pays à faible coût. C’est le cas de BMW, Volvo ou encore Smart, dont certains modèles perdent eux aussi leur éligibilité aux aides. La question se pose alors : comment continuer à offrir des véhicules abordables sans sacrifier la production locale ni les aides publiques ?
Cette tension stratégique force les groupes à revoir leur logique industrielle. Renault et Stellantis, qui s’apprêtaient à lancer de nouveaux modèles électriques low-cost (notamment autour de 20 000 €), pourraient être incités à relocaliser leur production en Europe pour rester dans les clous de la réglementation. À l’inverse, des marques qui misent sur l’importation massive pourraient devoir revoir entièrement leur stratégie tarifaire.
En France, un modèle comme la MG4, affichée à partir de 29 990 € sans bonus, reste attractif par ses prestations. Mais sans les 4 000 à 7 000 € d’aides, son positionnement devient bien moins avantageux face à une Renault Mégane E-Tech ou une Peugeot e-308, fabriquées localement et toujours éligibles. Le pouvoir d’achat des automobilistes devient ainsi un levier de souveraineté industrielle