Le monde de l’automobile n’en finit pas de brouiller les pistes, surtout quand les acteurs inattendus entrent en scène. Cette fois, c’est Dreame, un fabricant chinois spécialisé dans les aspirateurs haut de gamme, qui annonce sa volonté de produire… une hypercar électrique. Rien que ça. Et pas n’importe laquelle : un modèle au design déroutant de familiarité avec la Bugatti Chiron, hypercar emblématique du groupe VW, que Dreame ne se contente pas d’imiter timidement.
Car la silhouette présentée dans les rendus officiels évoque sans détour les courbes de la Chiron : calandre en fer à cheval, ligne de toit fuyante, arches de roue musclées, et même le fameux “C” latéral. Dreame va jusqu’à proposer une version à quatre portes, intégrant cette esthétique dans une architecture inédite chez Bugatti. L’ambition est affichée : offrir une voiture électrique d’exception, rapide, luxueuse, et hautement technologique. Mais entre les intentions affichées et la faisabilité réelle, le fossé est immense.
L’annonce, relayée sur les réseaux chinois et accompagnée de visuels spectaculaires, soulève de nombreuses questions : Dreame dispose-t-il vraiment des ressources pour se lancer dans la production automobile ? Peut-on parler de simple inspiration ou de plagiat manifeste ? Et surtout, quels marchés seraient visés par un tel véhicule, en dehors du coup de projecteur médiatique ? Une chose est sûre : l’arrivée d’un outsider aussi inattendu vient bousculer les certitudes dans l’univers ultra fermé des hypercars électriques.
Une inspiration visuelle assumée (ou presque) de la Bugatti Chiron
Le premier coup d’œil ne laisse aucun doute. La ligne générale de l’hypercar signée Dreame évoque de manière saisissante celle de la Bugatti Chiron. De la calandre en fer à cheval à la signature latérale en “C”, en passant par les proportions trapues et les arches musclées, tout semble calqué sur l’icône française. Pourtant, Dreame ajoute sa propre touche : un profil à quatre portes, intégrant une silhouette de berline coupé qui n’existe pas chez Bugatti.
Ce choix architectural — une hypercar à quatre portes — s’inscrit dans une logique d’élargissement de l’usage et de différenciation formelle, sans pour autant masquer l’évidente filiation esthétique. Il est même difficile de ne pas parler de copie, tant les rendus semblent s’aligner avec les éléments stylistiques de la marque de Molsheim. Seuls certains détails — notamment les projecteurs LED, les poignées intégrées et la lunette arrière — apportent une touche contemporaine, plus proche de l’univers des concepts EV asiatiques récents.
Difficile aussi d’ignorer l’effet de communication recherché. En reprenant les codes visuels de l’une des voitures les plus iconiques et les plus exclusives du monde, Dreame s’offre une visibilité maximale à l’international. Reste à savoir si cet hommage appuyé ne finira pas dans les bureaux d’un service juridique européen…
Dreame : du sol de votre salon aux circuits automobiles ?
Pour qui suit de près l’univers des aspirateurs sans fil et des robots laveurs, le nom Dreame n’est pas inconnu. Filiale du géant chinois Xiaomi, Dreame s’est imposé comme l’un des leaders du haut de gamme électroménager connecté, rivalisant avec Dyson ou Roborock. Sa maîtrise de la miniaturisation, des moteurs électriques haute vitesse et des algorithmes de navigation autonome en a fait une marque technologique de référence… dans l’univers domestique.
Mais l’annonce de cette hypercar marque un pivot radical, à mi-chemin entre marketing offensif et expérimentation industrielle. Le groupe évoque la volonté de se positionner sur le segment des voitures de luxe électriques en combinant technologie embarquée, design spectaculaire et mobilité zéro émission. Dreame affirme vouloir produire son modèle « à horizon 2026 », sans toutefois détailler les partenaires industriels, les infrastructures, ni les investissements engagés.
Ce type de reconversion n’est pas sans précédent en Chine : d’autres marques issues d’univers numériques ou électroménagers ont tenté des incursions dans l’automobile, souvent à coup de prototypes spectaculaires. Rares sont celles qui ont survécu au cap de l’industrialisation réelle.
Une hypercar électrique annoncée, mais sans fiche technique
Pour l’heure, le projet Dreame reste à l’état de concept visuel. Aucun chiffre de puissance, de couple, d’autonomie ou de capacité de batterie n’a été officialisé. Seules quelques intentions générales ont filtré : le véhicule serait 100 % électrique, avec un accent mis sur la vitesse, la connectivité avancée et une « expérience de luxe immersive ». En somme, une promesse très proche des codes de l’hypercar, sans démonstration concrète.
Le design intérieur n’a pas encore été dévoilé. Il n’est donc pas possible d’évaluer le niveau d’intégration technologique ou le soin apporté à l’habitacle. Idem pour la plateforme : aucune précision n’est donnée sur l’architecture, le type de moteurs (deux ou quatre), ni sur l’origine des composants. Ce flou laisse planer le doute sur la crédibilité industrielle du projet.
En l’absence d’un prototype physique, il est difficile de considérer cette hypercar comme autre chose qu’un exercice de style marketing, voire un test de notoriété pour Dreame. Une sorte de vitrine technologique imaginaire, destinée à renforcer l’image premium de la marque, sans réel plan de commercialisation.
Quelles conséquences juridiques et quelle viabilité pour le projet Dreame ?
Dans un contexte où les droits de propriété intellectuelle sont de plus en plus surveillés, le design du projet Dreame pourrait attirer l’attention de Bugatti Automobiles. La marque alsacienne, désormais intégrée au sein de Bugatti Rimac, protège ses modèles par des brevets de design et des enregistrements formels. Si Dreame allait jusqu’à produire ce modèle sans accord, des poursuites pourraient suivre.
En Chine, ces pratiques sont parfois tolérées, tant que le modèle reste cantonné au marché local ou au stade de concept. Mais si Dreame envisage une commercialisation internationale — notamment en Europe ou au Moyen-Orient —, l’affaire pourrait se compliquer. L’Union européenne impose des règles strictes sur la propriété industrielle, y compris sur les éléments de design.
Enfin, même en dehors du juridique, le projet soulève des questions de crédibilité : sans base automobile, sans usine dédiée, sans réseau de distribution ni SAV adapté, Dreame devra surmonter des obstacles colossaux pour convaincre les clients potentiels… et surtout, les investisseurs.
H2 – Dreame face à Rimac, Lotus, Tesla… un mirage dans l’arène des hypercars électriques ?
Même si le modèle de Dreame n’est jamais commercialisé, il s’inscrit dans une tendance bien réelle : celle de l’hypercar 100 % électrique. Rimac Nevera, Lotus Evija, Tesla Roadster (reporté), Pininfarina Battista… tous ces modèles visent des performances extrêmes, avec des puissances dépassant les 1 500 chevaux, des 0 à 100 km/h en moins de 2 secondes, et des tarifs bien au-dessus du million d’euros.
Dans ce contexte, Dreame semble jouer une partition à part : susciter l’attention par un design choc, sans nécessairement viser la performance pure. Mais la compétition est rude. L’univers des hypercars EV repose non seulement sur les performances, mais aussi sur la légitimité de la marque, l’histoire, l’ingénierie fine et la qualité d’exécution.
S’il s’agit d’un simple coup médiatique, Dreame l’a réussi. Mais pour exister durablement dans l’univers automobile, le design ne suffit pas. Il faut du fond, des chiffres, une vision industrielle… et un peu plus qu’un aspirateur intelligent dans son CV.