Alors que d’autres pays ont moins de morts sur leurs routes tout en conduisant plus vite, le gouvernement d’Édouard Philippe a décidé d’abaisser en France la vitesse maximale des routes secondaires de 90 à 80 km/h. Sous le prétexte officiel de lutter contre la mortalité routière, ce sont des recettes fiscales cachées qui seraient recherchées d’après de nombreux observateurs. L’objectif est pour l’instant manqué : les déprédations contre les radars avaient augmenté à l’annonce de la mesure, et elles se multiplient encore après son entrée vigueur. Mais cette tendance va-t-elle se poursuivre ? C’est une excellente question qui renvoie aux problèmes d’embrayage entre la réalité du terrain et les théories ministérielles.
Un sale été pour les radars
Alors que les contrôles mobiles se multiplient et qu’il existe même des radars privés, les Français font montre de leur ras-le-bol. Faute d’avoir compris ce dont il s’agissait dès la mise en place du premier appareil peu après la seconde guerre mondiale, ils sont désormais contraints de faire face à plus de trois mille robots verbalisateurs. Le coup des 80 km/h est semble-t-il la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, dans un contexte politique et social complexe, voire explosif. Mais ces dégradations ne sont pas nouvelles en soi :
La revue de référence Auto Plus estimait au 1er août, soit après un mois de mise en service de la nouvelle limitation de vitesse, que quatre cents radars automatiques avaient été touchés. Les Bretons avaient par la force chassé les barrières d’écotaxe de leur territoire : pourquoi tous les Français ne feraient-ils pas de même vis-à-vis des radars ? C’est sans doute le sentiment que beaucoup entretiennent.
Dans l’Ain, 2018 a vu la neutralisation de quatre-vingt-six engins, soit une croissance de 300 % par rapport à 2017. En deux semaines près de Tarbes, ce sont six appareils qui ont été mis hors d’état de flasher. Les dégradations ont presque doublé en Haute-Loire, en Normandie et en Bretagne, cette fois-ci d’après les données glanées par Le Figaro. Rien de surprenant il faut bien le dire, et beaucoup d’heureux… sauf du côté de Bercy et de l’État, dont les caisses se rattraperont cependant toujours sur le dos du contribuable : la boucle est bouclée.
De lourdes répressions
On le sait, l’État n’aime généralement pas que l’on aille à l’encontre de la loi qui l’édicte. Une dégradation totale d’un radar peut donner lieu à une amende de 30 000 € avec deux années de prison ferme, voire 100 000 € et sept ans d’emprisonnement pour des méthodes radicales (armes à feu, bombes artisanales…). Le forfait descend à 3 750 € pour des dégradations moins importantes, comme un tag bien verni. En Auvergne en 2016, c’est une peine relativement symbolique de 300 € qui avait été appliquée :
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Heureusement, comme il y a aussi des automobilistes parmi les avocats, magistrats et autres juristes, plusieurs ont donné des conseils aux activistes pour tâcher d’éviter les peines trop lourdes. C’est ainsi qu’un tribunal landais a en mars dernier refusé de considérer comme de la dégradation ou du vandalisme le fait d’enrober un radar de sac poubelle : cacher le dispositif actif de l’appareil (l’usage d’une poubelle renversée le couvercle ouvert est actuellement à la mode) est donc clairement moins dangereux que de le badigeonner ou, bien sûr, que de le détruire.
Il existe aussi des cas de signalisation des radars auprès des usagers, soit par des peintures sur la route, soit au moyen d’avertissements sur des arbres qui les cacheraient. Les contrôles automatiques étant censés être « préventifs », ces moyens de lutte sont difficilement incriminables puisqu’ils permettent malgré tout de concrétiser l’objectif recherché par les radars : forcer les automobilistes à rouler en dessous d’une certaine vitesse.
Malheureusement pour les déprédateurs, pour protéger ses appareils et sauvegarder ses revenus à l’aide de nouveaux investissements, le gouvernement doit redoubler d’inventivité et songe à les installer en hauteur ou hors de portée… Avis aux équilibristes !